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Le grand théâtre de la vie

Je suis retombé sur cet article que j'ai écrit il y a 14 ans pour la revue "Vivre Sans tête" dont à l'époque j'étais l'éditeur.

J'ai juste modifié quelques détails pour mieux préciser ma pensée, mais la vue des "coulisses" reste inchangée.

LE GRAND THEATRE DE LA VIE

Un jour, nous avons été « jetés », au travers du canal maternel dans le grand théâtre de la vie. C’est en tout cas ce que l’on nous a raconté. En tout cas nous y sommes dans ce grand théâtre. Une histoire très étrange car nous avons été placés dans ce lieu sans que l’on ne nous explique rien. Nous y avons été déposés nus comme un vers, sans aucune explication. Nous ne savons pas pourquoi nous sommes là, si nous avons quelque chose à y faire, à y trouver, à y chercher.

Alors nous avons fait confiance aux acteurs qui étaient là depuis plus longtemps que nous, notamment nos parents, nos grands-parents. Ils nous ont donné les règles qu’ils pensaient être celles de ce monde, ils nous ont donné des buts à poursuivre. Parfois nous les avons crus, parfois nous ne les avons pas crus. Puis, petit à petit, nous avons découverts que tous les autres sont dans les mêmes conditions que nous. Ils ne connaissent pas plus les règles que nous. Ils croient les savoir, ils se sont fait une idée, ou ils ne s’en sont fait aucune et leur vie n’a pas de sens.

Nous sommes donc sur la scène de ce théâtre, tous acteurs, en train de jouer un rôle qui n’a pas été écrit, à moins qu’il n’ait déjà été complètement écrit – c’est ce que disent certains… Manifestement il n’y a pas de spectateurs ; même si certains semblent regarder, ce sont des acteurs comme les autres.

Régulièrement des acteurs partent de la scène, sans vie et on ne les revoit plus, si ce n’est très transitoirement sous certaines formes subtiles nous disent certains. Et d’autres nouveaux acteurs apparaissent, toujours au travers du canal maternel.

Puisque aucune règle ne nous a été donnée, nous nous sommes organisés. Nous avons étudié les propriétés de ce monde. C’est le travail des scientifiques : l’astronomie, la géographie, l’écologie, la biologie, la médecine, la physique, la chimie….Nous avons organisé le monde par des systèmes hiérarchiques très compliqués de partage de pays, de régions, c’est le domaine de la politique. Nous avons organisé le travail, les loisirs… On s’est démerdé quoi, il le fallait bien.

D’autres se sont posés des questions sur le sens de tout cela : ce sont les philosophes. Beaucoup de théories ont été écrites, beaucoup de voies ont été tracées, mais où mènent-elles ?

A côté d’eux d’autres ont eu des révélations venues d’on ne sait où leur donnant l’explication au travers d’un Dieu qui serait à l’origine de tout cela. C’est possible, mais comment savoir ?

Et me voilà moi, au milieu de tout ce beau monde, perdu au milieu du théâtre de la vie, sachant mes jours comptés, sans savoir à qui me fier.

J’ai alors eu la chance de rencontrer un merveilleux anglais, nommé Douglas Harding qui m’a dit certaines choses qui m’ont interpellées :

-En ce qui te concerne, tu es la seule autorité.

-Ne laisse pas les autres te dire qui tu es.

-Ne me crois pas, vérifie si ce que je dis est vrai pour toi.

Il paraîtrait que ce grand théâtre de la vie a des coulisses. Et comme vous le savez, pour que le spectacle puisse avoir lieu, les coulisses sont nécessaires pour que les acteurs puissent se préparer, que tout le décor soit posé. L’acteur que l’on va rencontrer en coulisse est libre de son rôle. C’est seulement sur la scène qu’il joue son rôle. C’est également en coulisses que se trouvent l’auteur et le metteur en scène. Tout au plus peut-on les entrevoir sur scène pour les applaudir à la fin du spectacle. Mais nous ne sommes pas à la fin du spectacle.

Où donc sont situées ces fameuses coulisses ? Où donc est cette ouverture du monde qui va permettre à l’acteur de retrouver sa réelle identité ? Nous ne pouvons pas la trouver à l’extérieur dans le théâtre.

Et c'est là que Douglas Harding est intervenu : il m’a montré et expliqué que cette ouverture vers les coulisses est juste ici, où je suis. Pour la trouver, je dois inverser mon regard. Il m'a dit que c’est un voyage où il ne peut pas m’accompagner, il peut juste me montrer le chemin.

Et en effet quand j’inverse mon regard, que je regarde ce qui regarde en moi, l’ouverture est trouvée.

Qu’est-ce que j’y trouve ?

Des coulisses d’une extrême simplicité. Absence de machinerie. Rien ne les encombre, pas la moindre chose, ni la moindre forme. Pas le moindre son, ni la moindre couleur.

Je n'y trouvé aucun scénariste, ni de metteur en scène !

L’acteur a enlevé son costume et j'y suis dans le plus simple appareil de l’Etre, une Présence spacieuse qui n'a aucun nom.

La profondeur de ces coulisses est indicible. Puisqu’il n’y a rien, il n’y a pas de limites, puisqu'il n'y a rien pour limiter.

C’est donc à partir de Là que se joue la Grande Pièce de la Vie !

Cette vacuité des coulisse est vraiment très particulière. De cette vacuité surgit la conscience. Une conscience qui surgit juste en même temps que l'acteur et juste en mêm temps que le spectacle. Il s'équilibrent tous les trois comme les trois pied d'un tabouret.

Dans un théâtre, tous les acteurs sortent des mêmes coulisses. Mais les coulisses que j'ai découvertes sont extrêmement intimes. Je suis le seul à y avoir accès, et encore l’acteur n'y a pas accès, lui est toujours sur la scène. Pour rentrer en coulisses, il doit tout abandonner sur scène...

Quand j’en parle aux autres acteurs, ils peuvent prendre conscience que leur intimité est la même que la mienne. Invisibles à mes yeux, les coulisses de chacun sont au centre de chacun, sans que je puisse jamais y avoir accès, et pourtant, il y a l'évidence que ce sont ces coulisses qui nous réunissent.

C’est à partir de ces coulisses que le théâtre prend conscience de lui-même. Je suis le lieu (ou le non-lieu) où le théâtre de la vie prend conscience de lui-même.

Lors de cette prise de conscience de l’ouverture, quelque chose a glissé, s’est déplacé. J’ai réalisé que je n’ai jamais été un acteur perdu au milieu des autres acteurs. Dans leur jeu théâtral, les autres acteurs me disaient que j’étais cela. Et en effet je suis cela pour eux, un acteur comme les autres. Le secret intime, c’est que pour moi je ne suis absolument pas cela. Pour moi je suis ici cette large ouverture qui est fusionnée avec tout le théâtre, faisant un avec le théatre, elle est la source du spectacle. Juste ici, l’ouverture, le théâtre et les coulisses ne font plus qu’un. C’est le lieu de la communion. Le partage sacré où je ne fais plus qu’un avec le tout et où il n’y a que Moi. Un Moi très particulier, sans costume, sans masque, dans le plus simple appareil de l’Etre. C’est un Moi qui ne fait rien, qui ne comprend rien, qui ne cherche à rien comprendre, qui EST.

Je réalise alors que cette incarnation, ce corps, ici, est un pont, un pont entre le monde des hommes, le monde des choses, un monde des choses dans lequel il est situé, et le monde divin (c’est le mot que je trouve le plus adéquat), un monde qui est toujours juste là où je suis, plus proche de moi que ma veine jugulaire (comme il est dit dans le coran), un monde, une présence qui ne peut jamais me manquer, car c’est ce que je suis, mon Essence. Ce monde est libre de tout, mais jamais séparé du reste, car fusionné avec le tout. Mon incarnation, le sens de mon incarnation, est de faire le lien entre ces 2 mondes qui n’ont jamais fait qu’un.

Il est étrange de réaliser que le seul lien entre Dieu et les hommes est ici, au centre de moi-même. Je retrouve là mon rôle de berger décrit dans la tradition bouddhiste où le bodhisattva se réincarne pour libérer tous les êtres tous les êtres de la souffrance, pour créer un grand spectacle de joie, fait d'amour de compassion et d'équanimité.

Mais pour cela il faut laisser l’ouverture libre afin de ne pas bloquer le passage entre Dieu et les hommes, entre l'apparence et l'Essence des choses, entre le monde manifesté et la nature de Bouddha, entre le Nirvana et le Samsara.

C’est la mort à soi-même avant la mort de ce corps

Ce qui pour moi représente le mieux cela est la carte de l'Etre que Douglas dessinait. J'aurai l'occasion de revenir sur cette carte de l'Etre qui est un très précieux outil pour s'y retrouver dans le grand théâtre de la vie.



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